04 janvier 2021
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Extrait :
Les bouchons en liège issus du tubage d’une écorce de chêneliège, dits bouchons naturels, sont considérés dans la profession vinicole comme une solution qualitative pour garder les vins en bouteille. L’exigence accrue, à la fois des vignerons et des consommateurs pour des vins bien conservés, a poussé la profession à perfectionner le travail de sélection des bouchons en liège. La qualité de ces derniers a longtemps été associée à un tri visuel des bouchons, que celui-ci soit fait manuellement ou par le biais de machines équipées de caméras optiques de plus en plus sophistiquées. On peut retrouver dans la littérature des travaux portant sur du tri automatique par vision (caméra) s’appuyant sur des algorithmes de classification [1-3]. Cependant, le classement des bouchons se fait encore aujourd’hui sur des critères esthétiques de surface. Les bouchons les plus beaux, classés comme « Fleur », ne présentent aucun défaut apparent (absence de trou, de lenticelle boisée, de défaut de couleur…). Il reste cependant toujours difficile de bien statuer sur la qualité globale d’un bouchon en extrayant seulement des informations issues de son enveloppe externe. La bonne qualité d’un bouchon naturel dépend en réalité de ses propriétés mécaniques et élastiques et de la capacité de sa structure à laisser passer des quantités raisonnables d’oxygène de l’extérieur vers l’intérieur de la bouteille, au contact du vin. En effet, les vins ont des compositions plus ou moins taniques qui sont consommatrices d’oxygène et les propriétés physiques d’étanchéité du bouchon vont permettre une cinétique de passage de l’oxygène plus ou moins rapide et quantitative, influençant directement le profil sensoriel du vin après avoir été gardé en bouteille. Récemment, Chevalier et al. [4] ont publié des mesures d’OIR (Oxygen Initial Release: quantité d’oxygène relarguée dans la bouteille durant les 6 premiers mois, exprimée en mg) sur des bouchons naturels classés comme étant visuellement parmi les hauts de gamme, c’est-à-dire présentant peu de défauts de surface. Ces mesures ont mis en évidence que le tri opéré par des équipements, actuellement utilisés par les producteurs de bouchons en liège tubés, ne permet pas de classer les bouchons en fonction de leur capacité en termes de passage d’oxygène. Dans des lots de bouchons visuellement classés haut de gamme, il est fréquent de distinguer selon les types de vin, des évolutions sensorielles différenciées de celui-ci, en lien avec ces variations de perméabilité. Certains bouchons peuvent être considérés comme des « fuyards » qui entraîneront une évolution oxydative rapide du vin gardé en bouteille. On retrouve des études utilisant des méthodes d’analyses permettant de sonder le cœur du bouchon [5, 6] comme les travaux de Lagorce-Tachon et al. [7] où ils montrent notamment que le nombre de défauts en surfaces des bouchons conduit à une sous-estimation de la porosité interne. À notre connaissance, il n’existe pas d’analyse non destructive industrialisable mettant en exergue un ou plusieurs critères permettant de déterminer si la structure du bouchon permettra ou non un passage d’oxygène adéquat, afin d’offrir aux vignerons des gammes de bouchons naturels dont l’OTR (Oxygen Transfer Rate) est maîtrisé avec un écart-type acceptable en termes d’impact sensoriel. Contrairement à un tri visuel, l’imagerie par rayons X prend en compte toute la structure interne des bouchons et paraît adaptée pour inférer leur qualité. Ainsi, la présente étude propose une classification supervisée (c’est-à-dire, une classification basée sur l’apprentissage d’une règle de classement à partir d’un ensemble de données, appelé base d’apprentissage, dont le classement est déjà connu) de bouchons « fuyant/non fuyant » produite à partir d’un algorithme de classification SVM (machines à support vecteur) prenant comme entrée des critères extraits d’images rayons X de bouchons en liège tubés. La supervision de cette classification vient de la mesure d’OIR des bouchons. Un premier lot (lot 1) de 142 bouchons en liège tubés a ainsi été mesuré en OIR et acquis par la suite par tomographie rayons X. Un prétraitement des images rayons X 2D et 3D a été effectué et des critères de tri définis. Ces critères constituent les données d’entrée fournies à l’algorithme de classification SVM. Les résultats de la classification du lot 1 sont présentés sur des données 3D et 2D tout comme l’influence des paramètres expérimentaux sur cette classification. L’objectif de la classification basée sur des images 3D est d’évaluer la qualité des résultats pouvant être obtenus en ayant pour chaque bouchon une information plus complète. L’objectif de la classification basée sur les images 2D est d’évaluer la qualité des résultats pouvant être obtenus dans des conditions applicables dans le cadre industriel. Les images 2D du lot 1 serviront ensuite de base d’apprentissage afin d’évaluer directement un lot 2 de 436 bouchons issus d’autres sources de production, sans mesure OIR préalable. Les résultats de classification du lot 2 sont présentés et vérifiés a posteriori par une nouvelle analyse OIR. Les résultats obtenus en incluant ce lot 2 dans la base d’apprentissage sont aussi évalués.